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15 octobre 2005

Filiation (2)

Avant de parler de recherches puis de rencontres, je veux évoquer la vie de celle que j'ai appelée Mémée, celle que ma mère a appelée Maman ...
Elles se sont rencontrées à respectivement 7 ans et 52 ans. Elles auraient pu être petite-fille et grand-mère. Au lieu de cela, un rapport maternel s'est instauré tout naturellement, induit par la plus âgée des deux. Lorsqu'en 1942, la petite fille arrive en pension chez sa voisine, elle est immédiatement séduite par cette petite brune de 7 ans, très bavarde.
Cette femme vit dans une grande solitude depuis quelques mois. Elle a enfilé des habits de deuil qu'elle ne quittera plus.
Auparavant, elle a eu une enfance puis une jeunesse assez austère dans un tout petit village de Puisaye. Comme dans beaucoup de familles, le nombre d'enfants était élevé : elle avait huit frères et soeurs. Elle rencontre son futur mari assez jeune et se marie à 19 ans. Cet homme l'emmène en région parsienne car il travaille, comme on disait alors, aux chemins de fer. Ils habiteront Villeneuve St Georges puis Maisons-Alfort.
Une fille Madeleine naît en janvier 1913. Ma grand-mère exerce alors le métier de couturière pour un petit patron. Elle fabrique des pantalons pour hommes. Je crois que de temps en temps, la petite famille vient passer quelques jours dans la Nièvre puisqu'ils peuvent voyager gratuitement en train.
Puis arrive la grande guerre. Jules, le mari est mobilisé : il avait 29 ans en 1914. Il reviendra en 1918 mais comme beaucoup, très diminué !
La vie se poursuit pour eux mais malheureusement, c'est là qu'il me manque des éléments. Je ne sais pas comment vivait une femme d'une trentaine d'années dans ces années 20. Comment grandissait également la jeune Madeleine ... D'après les photos que j'ai vues, c'était une belle jeune femme au début des années 30 : brune avec la coupe de cheveux à la garçonne très en vogue à ce moment-là ! Elle avait un cousin, coiffeur qui l'engagea dans son salon pour l'aider. Je me souviens également que ma grand-mère racontait que sa fille avait pris des cours par correspondance (cours Pigier qui existaient déjà). Puis la jeune fille rencontre, peut-être grâce à son cousin, un amoureux. Il se prénomme Roger, est coiffeur aussi. Ils se marient au mois de janvier 1934. Nous sommes dans des années sombres où la tuberculose fait encore des ravages. Ce jeune mari meurt en septembre : la même année que leur mariage. Du mariage, Madeleine n'en aura certainement pas connu longtemps les meilleures heures puisque le médecin leur interdira tout rapport dès que la maladie sera diagnostiquée.
Le chagrin est entré dans leur famille. Toujours en manque de précision, je ne peux que donner des dates ...
La jeunesse de Madeleine a fini par surmonter sa peine. Elle se remarie en 1937. Elle épouse à nouveau un coiffeur. Cet homme fils unique et orphelin de père, a une mère très présente et jalouse de cette belle-fille ! Cette belle-fille qui peu de temps après son mariage se retrouve enceinte. Cette grossesse la fatique beaucoup et sa belle-mère ne l'aide pas. Il faut travailler et courber la tête. Au début du septième mois de sa grossesse, elle est de plus en plus exténuée et un jour, elle se cogne le ventre contre le comptoir du salon de coiffure. Elle fait une chute et ... son bébé meurt (c'est ainsi que le racontait ma grand-mère). A partir de ce moment-là, la tuberculose refait son apparition. Elle en mourra en 1938 ...
Quatre ans après, en 1942, le père décèdera du chagrin d'avoir perdu sa fille. Il avait 57 ans. Sa femme se retrouve seule, en pleine guerre et sans ressources. En prévision de leur retraite, ils avaient acheté une petite maison dans cette campagne d'où ils étaient originaires. C'est là qu'elle viendra se réfugier ... c'est là qu'elle rencontrera ma mère ...
Elle prendra donc avec elle en 1944, la petite fille qui vient de se retrouver à nouveau sans foyer. Elles ne se quitteront plus jusqu'à la mort de ma grand-mère en 1974. J'avais 14 ans. Ses obsèques ont eu lieu en ce beau samedi de juin où je venais de savoir que j'avais obtenu le brevet des collèges.
Elle n'a pas eu le temps de le savoir ...
Mon deuxième prénom est Madeleine ...

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Écrit par Madleine dans Histoires de familles | Commentaires (9)

Commentaires

Tu dis avoir manqué d'éléments et pourtant quelle vie transparait dans ton récit! Toutes ces existences qui se croisent et s'entrechoquent, je suis toujours émue de les imaginer, grâce à tes mots.

Écrit par : alice | 15 octobre 2005

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C'est très émouvant, j'en ai la chair de poule... Cela me fait penser à tellement de choses !
Peut-être même que je vais faire un billet "en relais".

Je crois que les vies difficiles d'autrefois faisaient naître des rencontres improbables mais fécondes, comme cette "jeune" veuve et cette petite fille. Est-ce que ce serait encore posssible aujourd'hui ?
Je me le demande...

Écrit par : samantdi | 15 octobre 2005

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Alice : ce qui me manque, ce sont des indices sur leur vie de tous les jours. Comment était l'endroit où ils vivaient, comment percevaient-ils le monde autour d'eux, ...
Mon grand regret, c'est de ne pas avoir questionné ma grand-mère lorsque j'étais adolescente ...

Samantdi : j'attends le "relais" quand tu veux.
J'ose espérer qu'aujourd'hui encore des histoires comme celle-ci pourrait se produire malgré les courses contre la montre qu'on engage tous :-(

Écrit par : en campagne | 15 octobre 2005

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Ton récit est très émouvant. Je te remercie.

Écrit par : Fauvette | 15 octobre 2005

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Mes regrets ressemblent aux tiens, mais peut-être faut-il arriver soi-même à un "certain âge" pour réaliser l'importance de la mémoire du quotidien?

Écrit par : alice | 15 octobre 2005

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Emouvant récit...
La fin est triste...
J'admire ta volonté à vouloir reconstituer le puzzle ; tout ce que tu sais est déjà énorme.
Gros bisous et bon dimanche.

Écrit par : Pralinette | 16 octobre 2005

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Quelle belle histoire même si elle est triste...

Comme quoi les seules "vraies" familles sont celles qu'on se choisit.

Écrit par : Anne | 17 octobre 2005

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Anne : quand on a le choix ...

Écrit par : en campagne | 17 octobre 2005

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Je viens de lire les 3 "filiation" suite à ta note sur les 10 souvenirs.

Ma grand-mère paternelle était de l'Assitance. Elle arriva de Paris dans un petit village de la Nièvre où elle grandit dans la même famille. Elle épousa mon grand-père, fermier dans le village d'à coté. Ils eurent 3 enfants.

Mon père rencontra ma mère dans le Cher et ils atterrirent en Région Parisienne. Je suis née à Villeneuve Saint Georges. Je suis revenu vivre dans la Nièvre, un petit village de la Puisaye, ma sauterelle y habite toujours d'ailleurs... Maintenant je suis à Auxerre...

Au dela de l'émotion de ton récit, ces coïncidences m'ont fait sourire. J'aime bien quand la Vie me fais connaitre des personnes et que je découvre des faits rapprochants.

Écrit par : Erin | 04 janvier 2006

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