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12 octobre 2005

Filiation (1)

A cause de Samantdi ! (le talent pour raconter en moins mais avec je l'espère la même sincérité)


Elle est née en 1910 dans un petit village d'Alsace.
Je ne sais pas comment imaginer ce que fut son enfance ; je n'ai pas assez d'indices. Je n'en ai pas beaucoup plus sur son adolescence et sa jeunesse. Ce que je connais de sa vie est avant tout administratif. Cela se résume à sa date de naissance, ses nom et prénoms, ceux de ses parents puis la date de son mariage et celles de la naissance de ses quatre enfants.
Comment vivait-elle dans ce village d'Alsace qui faisait alors partie de l'empire allemand ? J'aimerais le raconter mais je n'ai même plus de témoins de cette époque pour me donner des renseignements. Toutes ses soeurs sont mortes et lorsque je les ai rencontrées, j'étais trop jeune. Je ne savais pas qu'un jour je me reprocherais de ne pas leur avoir posé de questions ... Je ne peux absolument rien raconter de sa vie de petite fille.
Vers l'âge de 20 ans, elle a dû être amoureuse mais de qui, je ne le saurai jamais. J'aimerais croire qu'elle a succombé aux charmes d'un beau jeune homme et que malgré certains interdits très forts à cette période là (entourage parental, religion, ...), elle a vécu une belle histoire. Mais a t-elle pu être belle longtemps cette histoire sachant que très rapidement elle a été enceinte ? Alors le beau jeune homme n'a pas voulu (ou n'a pas su ?) que le fruit de ses ébats avec la jeune Eugénie soit révélé. Peut-être aussi que le beau jeune homme était un homme marié qui prenait de jeunes maîtresses ? Peut-être que la jeune fille était très volage et qu'elle ne connaissait pas le nom du père de son enfant ?
Alors pour ne pas affronter le courroux de ses parents, les ragots de son village, elle décide très rapidement de partir pour Paris. Comment fait-elle ce choix ? Qui l'accueillera dans la grande ville ? Je sais qu'elle travaillera dans un grand magasin mais rien d'autre. En août 1931, un garçon qu'elle prénomme A.... naît. Dès les premiers mois, les difficultés apparaissent et elle contacte une de ses soeurs restée en Alsace, mariée et qui vient également d'avoir un fils. Que se disent-elles, comment prennent-elles ces décisions, qu'en sait le reste de la famille ? A.... va arriver en Alsace pour vivre chez sa tante. Il a quelques mois et il ne reverra sa mère que lors des obsèques de sa grand'mère vers 1950. Il appellera Maman sa tante A.... Pourtant sa mère a du venir le voir jusqu'en 1934.
Que se passe t-il ensuite pour elle à Paris. Qu'en est-il de sa vie amoureuse ? Voit-elle lorsqu'elle revient en Alsace le père de son fils ? A t-il su cet homme, qu'il avait un fils ? Est-ce de lui qu'elle est à nouveau enceinte à la fin de l'année 1934 ? Puisqu'en juin 1935, elle donne naissance à une petite fille : ma mère.
Mais là pas question d'en aviser la famille ! Personne ne connaîtra l'existence de ce bébé. Elle essaie de garder sa fille avec elle. Etant seule et travaillant, elle la confie à une famille qui l'élèvera jusqu'à l'âge de cinq ans. On a souvent très peu de souvenirs de nos premières années : il revient à la petite juste des prénoms (les parents ou les enfants de cette famille ?) et l'esquisse de visages ou de sourires. Pas de tristesse mais pas de cocon de bonheur non plus ... Juste ... rien ! Ensuite, elle continue sa vie abandonnée par sa mère à l'âge de cinq ans. Elle sera installée par l'Assistance Publique (l'ancêtre des DDASS), dans une première famille dans la Nièvre où elle y restera deux ans. Pas vraiment de la tendresse dans ce foyer d'accueil ! Un des responsables s'en rendant compte la changera de famille. Elle partira à quelques kilomètres de là chez une dame veuve qui pourrait être sa grand-mère. Elle y passera à nouveau deux ans jusqu'au décès de la Mèmère comme elle l'appelait. La maison de la voisine deviendra sa prochaine étape ... et la dernière. Elle aussi n'a plus l'âge d'être une maman mais c'est pourtant ce qu'elle deviendra pour ma mère. Pour la première fois, elle parlera à une femme comme à une mère et on lui répondra comme à une fille.

... demain, je continue ... car ce n'est pas facile ... et c'est encore long ...

Écrit par Madleine dans Histoires de familles | Commentaires (12)

Commentaires

Tu vois, cela fait comme une "mémoire commune", cela me fait penser aussi à ma propre grand-mère, et à celle de l'un de mes anciens amoureux. Comme la vie de ces femmes était dure... je trouve que c'est "bien" d'en retracer les grandes lignes, même si nous n'en connaissons que les pointillés, en mémoire d'elles. Mais aussi pour nous et pour nos enfants, si on en a, ou même pour "nos enfants", à savoir les générations qui viennent après nous. Parce que rien n'est jamais "par hasard", on porte en soi cette mémoire collective.

Et que cela nous rende plus proches aussi des femmes qui, encore aujourd'hui et parmi nous, se retrouvent confrontées à de telles difficultés... C'est comme ça que je le vois. Pas pour tricoter de la nostalgie, pour se sentir encore plus vivantes et solidaires.

Écrit par : samantdi | 12 octobre 2005

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Que de vies bousculées! Dommage que des pans entiers soient tombés dans l'oubli mais ce n'est pas étonnant dans tous ces remue-ménages...Tu fais très bien revivre ces souvenirs "en miettes", nul besoin de te justifier! J'attends la suite. Bonne soirée.

Écrit par : alice | 12 octobre 2005

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Samantdi : je crois que je "porte" ces histoires de famille depuis toujours et aujourd'hui il n'y a pas de meilleur lieu qu'ici pour les "sortir" !

Alice : la suite devrait venir rapidement maintenant que la machine est lancée !

Écrit par : en campagne | 12 octobre 2005

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Merci de ton récit.
Malheureusement les enfants que l'on cache cela existe encore. J'ai une amie (45 ans) qui a vécu jusqu'à 9 ans ainsi. Le dimanche elle était cachée dans une autre pièce chez ses grand-parents au cas où il y aurait de la visite.
Sa Maman placée comme "bonne" avait été séduite par le mari, jetée dehors enceinte, et retour dans la ferme des parents.
Et un jour la Maman est partie, oubliant sa fille. Qui a été collée le jour qui a suivi en pension chez nos soeurs si catholiques et gentilles. Une belle enfance quoi.

Écrit par : Fauvette | 12 octobre 2005

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Finalement, les femmes étaient peut-être moins sages et soumises qu'on le croit...vers la même époque (1932) ma grand-mère a préféré quitter son mari, enceinte, et élever seule son fils, dans le plus grand dénument, plutôt que de passer sa vie aux côtés d'un homme qu'elle n'aimait pas et qu'elle avait épousé sous la pression familiale. L'homme qu'elle aimait, son premier mari épousé à 19 ans, était mort en 1920 des suites d'une blessure de guerre.
C'était une époque barbare. Nous, au moins, nous vivons en paix (à défaut de vivre paisiblement....)
Tu as raison d'en parler, nos enfants ignorent tout de tout cela.

Écrit par : anouchka | 12 octobre 2005

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Fauvette et Anouchka : il y a des histoires semblables dans beaucoup de familles et malheureusement encore de nos jours comme le souligne Samantdi.

Écrit par : en campagne | 13 octobre 2005

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Je suis heureuse que ton blog te permette de "sortir" ces pans de vie. J'imagine pourtant que ce n'est pas facile pour toi...
(je reviens de mes deux jours en Auvergne, c'était sublime de beau temps et de couleurs !)
Bises amicales.

Écrit par : Pralinette | 13 octobre 2005

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Pralinette : ce qui m'ennuie, c'est le manque de renseignement ! Et maintenant, je n'ai plus que ma mère pour me donner encore quelques informations. C'est pour ça qu'avant qu'il ne soit trop tard, je note tout ce que je peux ... pour mes enfants et mes nièces.

Écrit par : en campagne | 13 octobre 2005

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trés joli récit, trés bien écrit.....
J'imagine quel calvaire a du vivre cette femme pour tenter de garder ses enfants avec elle....
J'ai moi-même accouché en 1994 d'une petite fille née de pere inconnu, et à l'aube du 21eme siecle, on vous regarde drolement dans ces cas là.
J'ai longtemps gardé cela comme une ''honte'', cela fait peut de temps que j'ose en parler.

Écrit par : La jeune Divorcée | 13 octobre 2005

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Merci La JD de ton témoignage ici : tu as beaucoup de courage et de volonté d'après ce que je lis chez toi.

Écrit par : en campagne | 14 octobre 2005

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C'est grâce en grande partie à ces femmes qu'aujourd'hui nous avons un statut beaucoup plus appérciable. Certes, le regard des autres est encore fois lourd à supporter, mais quand même que de chemin parcouru, et encore que de chemin à parcourir.

Écrit par : Vroumette | 14 octobre 2005

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Vroumette a raison, beaucoup de chemin parcouru....

Écrit par : La jeune Divorcée | 14 octobre 2005

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