14 mars 2008
Mousse et La Famille Passiflore
Hier, au détour d'une conversation avec une maman beaucoup plus jeune que moi, je lui ai vanté les lectures favorites de mon fils lorsqu'il était petit.
Dès dimanche, je fouille dans le grenier pour retrouver les albums de La Famille Passiflore et ceux de Mousse. Ce qui est à craindre, c'est que je vais encore râler sur ma bibliothèque qui n'avance pas en voyant les cartons de livres entassés ! Mais ceci est une autre histoire.
Pour en revenir à cette Famille et ce Mousse-là, ils étaient les compagnons favoris de C. à 2 ans pour les histoires du soir. Sa grande soeur participait activement à la "cérémonie" de la lecture avec les parents à tour de rôle. Le jeu consistait à commencer les phrases et à le laisser les terminer. Et puis, on décortiquait les illustrations.
La Famille Passiflore, des lapins orphelins élevés par un oncle et une tante, habitent une magnifique maison-terrier en lisière de forêt. Ils sont débrouillards, inventifs et attachants. Les dessins de Loïc Jouannigot sont craquants. Les boutons des portes, le manche du parapluie, la rampe d'escalier sont en forme de carottes.
Pour Mousse, le raton-laveur, ce sont les aventures toujours rocambolesques et pleines de bon sens qui priment. Comment se retrouver coincé dans un tronc d'arbre creux après avoir trop mangé de mûres. La gourmandise serait-elle un vilain défaut ?!
A ce props, je devrais peut-être parler de la soupe de kiwis à la mousse de chocolat au lait qu'a préparée mon homme mercredi ! Excellent :)
Écrit par Madleine dans Famille en Campagne, Lecture champêtre, Souvenirs de la campagne | Commentaires (5)
27 novembre 2007
Un autre monde
C'était pendant l'été après mes 18 ans et le bac.
Pour gagner un peu d'argent, j'eus l'occasion d'être employée en tant que femme de ménage dans une famille, propriétaire d'une grande maison ; leur résidence secondaire dans ce village de mon enfance.
Je découvris à leur contact un mode de vie "exotique"pour la jeune fille campagnarde que j'étais alors et qui soupçonnait tout juste qu'une certaine bourgeoisie existait encore.
Monsieur avait 17 ans de plus que Madame, leur petite-fille un mois. Elle l'allaitait, lui confectionnait des robes à smocks, collait dans de grands albums les photos de l'enfant, faisait des confitures, écrivait des articles dans un grand magazine et vouvoyait son mari et ses parents. Il chassait à courre, était patron d'une grosse multinationale et n'écrivait pas encore de romans.
Ils passaient leurs week-ends dans cette demeure et résidaient en semaine dans la ville de banlieue dont le maire n'était pas encore le petit président.
Des piles de livres s'amoncelaient à leurs chevets. Je découvrais la vaisselle de chez Geneviève Lethu, les parfums au litre de Guerlain, les photos des vacances en Espagne dans une villa leur appartenant dans la ville de Salvador Dali.
Dans la maison composée de plusieurs pièces, il y avait le salon, la bibliothèque, l'immense salle à manger et ses deux cheminées, les chambres bleue, rose, violette, à fleurs pour les amis, la leur, immense, sous les toits ... trois salles de bains dont une toute blanche ... les serviettes de bain coordonnées, les draps assortis aux abats-jour, aux tentures et aux rideaux, les lampes tamisées, les fauteuils profonds, le grand escalier aux marches cirées ...
J'en passais du temps à astiquer !
Dehors, la grande terrasse carrelée accueillait les fauteuils en rotin pour le thé et les enfants jouaient à cache-cache dans le grand jardin. Un samedi, on m'emmena assister au mariage de la fille d'un ami dans un château. Je promenai tout une après-midi le bébé dans le parc en croisant au détour des allées des robes longues, vaporeuses et chapeautées au bras de redingotes, les mains encombrées de coupes de champagne.
J'aurais bien aimé essayer les robes de Madame si elle n'avait pas été si maigre ... oups ! ou moi un peu trop ronde ?!
Écrit par Madleine dans Souvenirs de la campagne | Commentaires (13)
06 novembre 2007
Ronde des cimetières
Hier en redécouvrant ce paysage, l'abondance de taches de couleurs vives m'a surprise.
Bien sûr, Toussaint et son cortège de chrysanthèmes venait de passer par là !
Je me suis alors souvenue de ces jours où petite fille, je faisais le tour des cimetières avec mes parents et mes grands-parents. On allait "fleurir les tombes" de tous ces gens qui étaient morts depuis plusieurs années pour certains et que je n'avais même jamais connus.
Il y avait là Madeleine, la fille de ma grand-mère Mémée, et son premier mari dont les portraits ornaient la tête de la tombe.
Il y avait ici Augustine, morte avant mes deux ans - la mère de mon autre grand-mère, Mamie.
Un grand oncle Gustave, dont je me rappelle encore un peu l'énorme moustache, recevait aussi notre visite et sa fleur orangée ou mauve selon l'arrivage chez l'épicier du village.
Ma mère n'oubliait pas non plus une de ses amies d'adolescence morte bien trop jeune.
La seule chose intéressante de la tournée des cimetières était l'occasion qui nous était fournie de ressortir les habits d'hiver car Toussaint rime depuis toujours avec l'arrivée des premiers gelées. Certaines années, il y avait LE nouveau manteau, acheté à la foire de St Michel, qu'on étrennait. Les années moins fastes, c'était seulement une paire de gants neufs ou une nouvelle écharpe tricotée maison. Il était important de noter les nouveautés pour en reparler quelques jours après dans la cour de l'école.
En 71 ou 72, ma vieille cousine Denise m'avait tricoté un poncho. J'ai insisté pour l'enfiler et j'ai joué la prétentieuse ce jour-là au milieu des tombes avec ce vêtements, ses couleurs turquoises et blanches et ses franges mais qu'est ce que j'ai eu froid !
Écrit par Madleine dans Famille en Campagne, Souvenirs de la campagne | Commentaires (18)
24 mars 2007
Simone
Cest en commentant chez Anita à propos de lecture, que je me suis souvenue de ces journées chez elle au début des années 70.
Comme je suis pratiquement sûre que personne ne pourra la reconnaître, je l'appellerai Simone car c'était le prénom qu'elle portait !
J'ai toujours du mal à me rappeler des dates mais après quelques calculs, je pense qu'elle était née entre 1905 et 1910.
Si je l'ai connue, c'est que son mari, Camille travaillait avec Jules, celui de Mémée, à la SNCF.
Les deux couples bien que n'étant pas tout à fait du même âge avait sympathisé. Ils habitaient alors en région parisienne mais arrivés à l'âge de la retraite, au début des années 60, Simone et Camille sont venus s'intaller dans le village où j'habitais alors avec mes parents et ma grand'mère, qui y était revenue depuis quelques années après la mort de son mari.
Je n'ai aucune idée d'où étaient originaires Simone et Camille, pourtant comme beaucoup de parisiens ou banlieusards, il avaient certainement des racines provinciales !
Je ne leur ai connu aucune famille ni à l'un ni à l'autre. Ils semblaient indépendants de toutes attaches.
Leur couple étant resté stérile, qui peut se souvenir d'eux ? Camille est décédé en 1968 et c'est d'elle dont je peux conter quelques souvenirs.
C'était une grande et mince femme, élégante, maquillée et parfumée.
Je ne crois pas qu'elle ait exercé une profession. Alors, j'ai des interrogations sur ce qui remplissait sa vie pendant que son mari travaillait. Pas d'enfant, piètre cuisinière, ne faisant pas de couture ou de tricot, n'allant pas à l'église, comment occupait-elle ses journées dans ces années où les femmes étaient cantonnées au rôle de maîtresse de maison ?
Je sais qu'elle lisait beaucoup, écoutait des pièces de théâtre à la radio, allait au cinéma. J'oserais insinuer qu'elle eut peut-être des amants ... c'est ce qu'il me plaît d'inventer car rien n'est moins sûr. Elle semblait assez froide à qui ne la connaissait pas et n'avait pas l'heur de plaire à certaines femmes qui, me semble t-il, la jalousaient ...
Elle fut l'objet de commérages aussi lorsqu'à peine quelques années après la mort de son mari, elle porta des robes beiges ou bleues claires !
Lorsque j'étais adolescente, j'habitais à quelques kilomètres de chez elle. Je partais à vélo certains mercredis matins pour passer la journée près d'elle. Nous nous préparions des gâteaux, j'essayais ses chaussures, nous plantions des fleurs, regardions la télé le midi, partions en balade dans les chemins avoisinants, lisions dans des chaises longues en rotin à l'ombre des arbres, ... Je retrouve l'odeur de ces étés là lorsque je suis à la maison aux volets bleus, que l'air est saturé de chaleur, que les abeilles ou les guêpes bourdonnent au dessus des roses, ...
C'est dans sa bibliothèque que j'ai pioché mes premiers frissons d'amoureuse en m'identifiant à Arlette dans "Ces dames aux chapeaux verts" ...
Avec Camille, ils étaient des adeptes du vélo et partaient depuis Paris jusqu'en Provence, à St Jean Cap Ferrat, en tandem. Sur les photos, ils avaient une classe folle avec leurs pantalons et pinces à vélo, chapeaux de paille et lunettes !
Elle vécut jusqu'au début de ce siècle, terminant sa vie en maison de retraite et ne reconnaissant plus ma mère ...
J'ai en souvenir d'elle ce bracelet, ramené d'un voyage en Algérie ... Je le portais lorsque j'avais 18 ans avec des jupons fleuris ...
Écrit par Madleine dans Souvenirs de la campagne | Commentaires (16)
20 novembre 2006
Madame G.
Si ma mémoire est bonne et mes calculs exacts, elle était née entre 1895 et 1900 environ.
Je l'ai connue vers mes deux ans lorsqu'avec mes parents et Mémée, je suis venue habiter ce petit village de 250 habitants. Elle occupait avec son mari une maison dans la rue qui montait en face de notre jardin. Ils venaient d'arriver ici pour y passer leur retraite.
Dans ces années 60, je me souviens d'elle lorsqu'elle descendait tous les matins pour aller au centre du bourg chez le boulanger ou l'épicier du village. Petite dame frêle qui semblait déjà vieille à mes yeux d'enfant.
Je la croisais chapeautée tous les dimanches en allant à la messe. Nous nous retrouvions quelquefois sur les mêmes bancs dans l'église. Je sentais que Maman appréciait de s'asseoir à côté d'elle. Cela devait la changer des autres femmes rugueuses de ces assemblées. Car Madame G. arrivait de la ville, de la capitale plus précisément et cela se ressentait dans son élocution, son maintien.
Même si elle a su s'intégrer dans notre microcosme villageois, elle est toujours restée Madame G. pour tous ses voisins. Personne ne l'a jamais appelée par son prénom. Son mari était plus distant et parlait peu. Il me semble qu'il ne sortait guère de chez lui.
Je me souviens qu'en vieillissant il a commencé à perdre la tête, qu'on le voyait alors passer dans la rue et peu de temps après sa femme le rattrapait pour le ramener chez eux.
C'est chez Madame G. que j'ai fait mes premières armes dans le monde du travail. Vers 12-13 ans, j'allais passer 2 heures chez elle le mercredi matin pour "épousseter" ses meubles et passer l'aspirateur sur ses moquettes.
En vérité, c'était surtout le moyen pour moi d'obtenir un peu d'argent de poche et d'écouter Madame G. me raconter des anecdotes sur sa vie.
Et la vie de Madame G. a été bien remplie !
Jeune fille de bonne famille bretonne, elle a épousé un breton, marin de son état. Marin militaire qui l'emmena vivre dans divers ports français : Brest, Toulon, ... et lui fit trois enfants (deux garçons et une fille).
Pour une femme de cette génération, elle était très évoluée car elle avait beaucoup voyagé. Ses enfants avaient tous poursuivi de longues études. Elle en était heureuse même si elle déplorait l'éloignement que cela avait occasionné avec eux.
Lorsque je la voyais régulièrement pour l'aider à nettoyer ses fenêtres par exemple, elle me racontait comment la vie n'avait pas toujours été facile avec son mari.
Comment elle avait désamorcé au début de leur mariage, une dispute avec Monsieur G. qui était d'après ses dires, têtu comme un breton !
Son conjoint étant très en colère et hurlant, elle ouvrit devant lui son parapluie. Ce qui le surpenant au plus haut point lui fit stopper tout net ses invectives et poser la question : "mais que fais-tu avec ce parapluie ???" Ce à quoi elle lui répondit du tac au tac et sans rire : " le grain étant tellement fort, je me protège de la pluie en attendant que l'orage passe !!!"
L'humour gagna la partie et fit comprendre à Monsieur G. qu'il avait trouvé aussi têtu que lui (en bonne bretonne qu'elle était également).
Elle termina sa vie dans ce petit village au début des années 80 après avoir enterré d'abord son mari puis ses deux fils ainsi que le mari de sa fille ...
Il y a longtemps qu'elle n'avait plus de larmes ...
(Ma mère m'a donné à lire la dernière lettre reçue de sa fille à l'occasion de la nouvelle année)
Écrit par Madleine dans Souvenirs de la campagne | Commentaires (24)